Demande d’abrogation du bouclier fiscal Intervention de Bernard Vera , sénateur communiste de l’Essonne et Maire de Briis dur Forges le 20 mai 2010 Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues, Je commencerai mon propos par quatre courtes citations. La première est d’ Alain Juppé, « Cela ne me choquerait pas qu’on demande aux très riches un effort de solidarité supplémentaire vis-à-vis de ceux qui souffrent » La deuxième est de Gilles Carrez : « Il faut suspendre le bouclier fiscal le temps que les finances publiques soient assainies » La suivante est le titre d’une tribune cosignée par treize députés UMP « Il faut suspendre le bouclier fiscal pour redonner du sens à la politique » Enfin est la dernière est de Jean Arthuis : « Le bouclier fiscal est une offense à l’idée que je me fais de la justice » Voici donc, rapidement rappelées, quelques unes des déclarations diverses qui ont pu être produites au sein de la majorité parlementaire sur la question dont nous débattons. L’affaire serait, nous dit on, symbolique. M. le Ministre, à peine nommé au Ministère du Budget, vous avez eu l’occasion de nous indiquer que les 600 millions, du bouclier fiscal, n’étaient qu’une goutte d’eau au regard des 140 à 150 milliards d’euros des déficits publics que des années de cadeaux fiscaux distribués par votre majorité n’ont cessé d’étendre. Mais alors, Monsieur le Ministre, si ce dispositif a si peu d’importance, pourquoi s’entêter ? Ou bien l’impact est négligeable et la suppression du bouclier fiscal ne réduira les déficits que de manière marginale, ou alors, c’est que la valeur de l’objet est plus importante. Et force est de constater que ce doit être le cas puisque nombreux sont désormais ceux qui lient toute suppression du bouclier fiscal à une réforme fiscale de plus grande ampleur, sur laquelle je souhaite ici revenir. Nous voici en effet face à la tétralogie du Président Arthuis : suppression du bouclier fiscal et suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune, taxation plus importante des plus values et relèvement de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Nous sommes d’accord avec Monsieur Arthuis sur trois des quatre éléments de cette proposition. Oui à la suppression du bouclier fiscal ! Oui à l’accroissement de la taxation des plus values ! Oui au relèvement de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu ! Nous sommes favorables à l’accroissement de la taxation des plus values, au point d’ailleurs que nous serions partisans, sur le fond, que ces revenus soient traités de la même manière que les traitements, salaires, pensions et retraites au plan de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire soumis au barème progressif. Et il faudra aussi s’interroger sur la taxation – ou plutôt l’absence de taxation – des plus values d’entreprises, notamment dans le cas des cessions de titres. Tout simplement parce que le fait de « faciliter » les regroupements de capitaux ne semble pas avoir évité à notre pays ni les délocalisations, ni les suppressions d’emplois, bien au contraire ! Oui au relèvement de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Encore que, sur cette question, il soit utile de d’indiquer que cela repose la question de l’imposition des revenus et celle des patrimoines. L’INSEE, étudiant le patrimoine des Français, a largement montré que le facteur principal d’inégalité dans notre pays résidait plus dans l’existence d’inégalités profondes de patrimoine que dans celle de revenu. Vouloir accroître l’imposition des revenus les plus importants ne peut, ne doit donc se faire qu’en maintenant une imposition du patrimoine, au risque de décourager un peu plus ceux qui, par leur seul travail, sans avoir de patrimoine personnel important au départ, valorisent leurs compétences, exercent responsabilités et fonctions raisonnablement rémunérées. Imposer demain le cadre supérieur, imaginatif, créatif, porteur d’idées nouvelles, impliqué dans la vie de son entreprise, pour mieux exonérer l’héritier qui se contente de vivre du revenu de son patrimoine immobilier, et qui s’intéresse de très loin à la vie de l’entreprise dont il détient une partie des actions, ce ne serait pas de bonne politique. C’est pourtant ce vers quoi tend la fameuse tétralogie défendue par le Président Arthuis, notre rapporteur général et le Président Fourcade. Protéger les acquis des détenteurs de patrimoine et taxer le travail, au moment même où 70 % des Français attendent plus de justice sociale, singulièrement quand on parle du devenir de nos retraites, est tout de même le plus parfait exemple de conservatisme qu’il nous soit donné d’apprécier. Et si nous sommes opposés à la suppression de l’ISF, c’est en cohérence avec notre volonté de suppression du bouclier fiscal. Parce que l’ISF, assis sur le patrimoine, agit par nature sur le facteur essentiel de développement et de maintien des inégalités sociales dans notre pays. Nous appelons à l’existence d’un ISF renforcé, équilibré, plus efficace, par la suppression des niches qui l’affectent et en réduisent la portée. Supprimer le bouclier fiscal, détruisant 15 à 20 % de l’ISF – mais ne concernant que 1,3 % de ses contribuables, soulignons le - sera le premier pas dans cette direction. Les plus gros patrimoines, dans notre pays, n’ont qu’un lointain rapport avec le travail et le talent de leurs détenteurs, fussent ils réels et beaucoup avec le travail et le talent des autres ! Il n’y a pas de richesse sans travail et la réussite de l’entreprise ne procède pas de la génération spontanée du capital ! Il est grand temps que la justice revienne, un peu, dans notre droit fiscal. L’adoption de cette proposition de loi, simple et opératoire immédiatement, y contribuera utilement. Il faut abroger le bouclier fiscal, purement et simplement, cette offense insupportable à la justice fiscale et sociale, rejetée par près de 70 % de nos concitoyens. |